La dysplasie de la hanche 1ère partie : causes, symptômes et diagnostic clinique.

La dysplasie de la hanche 1ère partie : causes, symptômes et diagnostic clinique.

Dans l’histoire de la médecine

La luxation congénitale de la hanche a été très tôt identifiée par les médecins et les chirurgiens.


Dans son “Traité des articulations”, Hippocrate (460 - 356 av J.C.) décrit la luxation de naissance de la hanche.

Bien plus tard, Ambroise Paré (1510 - 1590), chirurgien des rois, observe le défaut de profondeur du cotyle, et met en évidence une prédisposition familiale.

En 1912, Le Damany décrit le signe du ressaut, un moyen de dépistage précoce, simple et toujours utilisé aujourd’hui.

Femme coiffée de la haute coiffe bigoudène, présentant une luxation congénitale de la hanche droite et adoptant la posture compensatrice typique.


Dysplasie sévère chez un boxer (Radiographie Sébastien Mirković)



PARTIE 1 : CAUSES, SYMPTÔMES, DIAGNOSTIC CLINIQUE


Quels sont les chiens touchés par la dysplasie coxo-fémorale?

La dysplasie de la hanche peut toucher les chiens de toutes races et de toutes tailles, par exemple :

• Les chiens de montagne : Saint-Bernard, Terre Neuve, Bouvier Bernois, Sarplaninac…

• Les chiens de berger : Berger Allemand, Berger Picard, Briard, Colley…

• Les chiens de garde : Dogue de Bordeaux, Rottweiler, Dogue Allemand, Boxer…

• Les chiens nordiques : Samoyède, Husky, Laïka de Iakoutie…

• Les chiens de chasse : Setters (c’est d’ailleurs sur un Setter Anglais que la dysplasie coxo-fémorale a été décrite pour la première fois en 1935), Retrievers, Épagneuls, Cockers…

• Les chiens de petit format : Shih-Tzu, Cavalier King Charles, Spitz Japonais, Berger des Shetlands…

S’agissant d’une maladie génétique, certaines races sont plus prédisposées que d’autres, et au sein d’une même race, certaines lignées sont davantage concernées, indépendamment de la taille.

Cette affection ne se limite pas aux chiens : elle existe également chez le chat. Le dépistage est particulièrement recommandé chez le Maine Coon, une race où l’on estime qu’entre un quart et la moitié des individus pourraient être atteints. 



Dysplasie sévère chez un Maine Moon (Radiographie Sébastien Mirković)


La dysplasie de la hanche, une maladie génétique.


La dysplasie de la hanche est une maladie génétique et héréditaire, dont l’expression et la progression sont modulées par des facteurs environnementaux.

De nombreux gènes interviennent dans son développement, avec un effet de seuil : la maladie ne se manifeste que lorsqu’un certain nombre de gènes défavorables sont cumulés.

Cette notion de seuil explique pourquoi deux chiens radiologiquement indemnes peuvent engendrer des descendants dysplasiques. En effet, chaque parent peut porter un certain nombre de gènes défavorables, sans que ceux-ci soient en quantité suffisante pour déclencher la maladie. Toutefois, si ces gènes se retrouvent combinés chez un descendant au-delà du seuil critique, la dysplasie peut alors s’exprimer.

Parmi ces nombreux gènes, encore mal identifiés, il semble qu’un ou plusieurs jouent un rôle prépondérant en favorisant une laxité articulaire excessive, condition indispensable au développement de la maladie.

D’autres gènes prédétermineront la configuration du bassin (forme, structure, relations anatomiques de l’articulation coxo-fémorale, innervation, localisation et importance des masses musculaires, développement et forme de la tête et du col fémoral, angulation entre le col fémoral et le fémur, cavité acétabulaire - profondeur, recouvrement dorsal), et, s’ils sont défectueux, favoriseront le développement d’une dysplasie de la hanche.

Si ces gènes présentent des altérations, ils peuvent favoriser l’apparition d’une dysplasie de la hanche. Toutefois, le facteur déterminant reste toujours une laxité articulaire excessive, qui constitue l’élément clé du développement de la maladie.

Mécanismes d’apparition

a : microfractures de la tête fémorale et du rebord acétabulaire dorsal

b : étirement capsulaire

c : étirement musculaire et tendineux



Cas particulier : la dysplasie unilatérale

Les cas de dysplasie unilatérale sont difficiles à expliquer par la seule génétique. Comment un chien peut-il présenter une hanche parfaitement formée d’un côté, tandis que l’autre est sévèrement dysplasique, alors que les deux hanches sont codées par les mêmes gènes ? De la même manière que nous avons deux yeux, deux coudes et deux pieds généralement symétriques, on pourrait s’attendre à ce que les hanches aient une conformation identique.

Des facteurs environnementaux agissant sur une seule hanche chez un chien génétiquement prédisposé pourraient expliquer cette asymétrie. Parmi eux :

• des traumatismes (voir ci-dessous),

• des contraintes mécaniques asymétriques pendant la croissance,

• une position particulière in utero ou lors de la mise-bas, influençant le développement articulaire.

Enfin, une mauvaise interprétation radiographique peut également être en cause. Un positionnement incorrect lors de la prise du cliché peut créer une illusion d’asymétrie, alors que les deux hanches sont en réalité identiques (voir plus loin).


Influence des facteurs environnementaux


Facteurs environnementaux influençant la dysplasie de la hanche

Divers facteurs environnementaux peuvent aggraver ou favoriser l’apparition de la dysplasie de la hanche chez un chien génétiquement prédisposé.

• Suralimentation pendant les 6 premiers mois : accélère la croissance, augmente le risque d’excès de poids et accentue les contraintes sur des articulations encore en développement.

• Excès de calcium et de vitamine D : freine l’activité ostéoclastique, retardant ainsi l’ossification endochondrale et le remodelage osseux, ce qui peut perturber la formation articulaire.

• Équilibre électrolytique de la ration alimentaire : la teneur en anions non mesurés dans l’alimentation pourrait influer sur le volume de liquide synovial, impactant ainsi la stabilité articulaire.

• Exercices violents : les sauts, galopades excessives et autres sollicitations intenses fragilisent le cartilage articulaire et peuvent accentuer le remodelage pathologique d’une hanche déjà hyperlaxe.

• Exercice insuffisant : une activité physique modérée et régulière (balades à pied, natation, vie quotidienne dans le jardin) permet de limiter le surpoids et de renforcer la masse musculaire, jouant ainsi un rôle protecteur contre la laxité articulaire et stabilisant la hanche.

• Traumatismes :

. Une luxation coxo-fémorale traumatique (bien que rare chez le chiot) peut altérer le développement de la hanche.

. Un traumatisme sur un membre postérieur (fracture, entorse), entraînant une boiterie prolongée avec report de poids sur l’autre hanche, peut favoriser le développement d’une dysplasie secondaire sur la hanche supportant une charge excessive.


Waho (1999 - 2011)


PHÉNOTYPE (APPARENCE RADIOLOGIQUE ET SYMPTÔMES) = GÉNOTYPE + FACTEURS ENVIRONNEMENTAUX

Les facteurs environnementaux défavorables décrits  ci-dessus ne peuvent, à eux seuls, être responsables de l’apparition d’une dysplasie de la hanche ; une prédisposition génétique est indispensable. Toutefois, ces facteurs peuvent influencer l’apparition, la progression et la gravité de la maladie, aggravant ainsi ses manifestations cliniques et radiologiques.



La hanche normale : 


Masse musculaire développée muscles extenseurs, fléchisseurs, abducteurs et rotateurs renforcent la stabilité de l’articulation.

Capsule articulaire et ligament de la tête fémorale : ils maintiennent fermement la tête fémorale au fond de la cavité acétabulaire.



Conformation de la hanche normale (radiographie Sébastien Mirković)

La surface de la tête fémorale épouse parfaitement toute la surface de la cavité acétabulaire, et ligament de la tête fémorale, capsule articulaire et muscles assurent une stabilité parfaite, sans aucune laxité. Les forces (flèches) se répartissent alors de façon parfaitement uniforme sur l’ensemble de la tête fémorale et de l’acétabulum.


La hanche dysplasique :


Masse musculaire faible : elle est insuffisante pour s’opposer à la laxité articulaire.

Capsule articulaire et ligament de la tête fémorale lâches et longs: ils ne maintiennent pas correctement la tête fémorale au fond de la cavité acétabulaire.



Conformation de la hanche dysplasique (Radiographie Sébastien Mirković)

En appui, les contraintes mécaniques se concentrent (flèches) sur le bord de la cavité acétabulaire, et sur une petite partie de la tête fémorale, empêchant leur développement normal lorsque ces structures ne sont pas encore ossifiées, avec des microfractures par tassement suivies de remaniements, de déformations (dont le résultat sera une mauvaise congruence), puis de la formation d’arthrose.


Hanche normale  =  

Conformation normale des structures osseuses (col, tête fémorale et cavité acétabulaire) 

+ absence de laxité


La laxité articulaire


La laxité articulaire : un facteur clé dans le développement de la dysplasie de la hanche

La laxité articulaire est un signe précoce de dysplasie, particulièrement détectable à partir de l’âge de 3 mois. La recherche du signe du ressaut, ou signe d’Ortolani, est plus difficile à 2 mois, en raison d’une laxité encore modérée, ainsi qu’à l’âge adulte, lorsque la fibrose de la capsule articulaire et l’ankylose ont réduit la mobilité excessive de l’articulation.


1. La laxité passive

La laxité passive correspond à un mouvement anormal de la tête fémorale dans l’acétabulum, obtenu par manipulation sous anesthésie générale, lorsque la masse musculaire est relâchée. Elle peut être détectée par :

• la palpation du ressaut (signe d’Ortolani),

• des radiographies en position forcée (procédé PennHIP).

⚠️ La mise en évidence d’une laxité passive ne signifie pas systématiquement qu’une arthrose se développera, mais indique un risque accru d’anomalies du développement de la hanche.


2. La laxité dynamique

La laxité dynamique correspond à une subluxation dorso-latérale de la tête fémorale par rapport à l’acétabulum, qui se produit dans des conditions naturelles :

• à l’appui du membre,

• lors de la marche, du trot ou du galop.

Dans ce cas, les contraintes articulaires anormales entraînent irrémédiablement le développement d’une dysplasie, avec :

• étirement progressif de la capsule articulaire,

• remaniements osseux et cartilagineux,

• apparition et évolution de l’arthrose.


Recherche du signe d’Ortolani :

Le membre est placé perpendiculairement au bassin, le genou maintenu médialement; le manipulateur exerce alors avec sa main sur le genou une pression verticale, de manière à essayer de luxer dorsalement la tête du fémur; puis le fémur est ramené latéralement en abduction, et l’on peut percevoir un "clac" lorsque la tête du fémur réintègre la cavité acétabulaire.


Le développement de l’arthrose



Rôle du cartilage articulaire : véritable amortisseur, il absorbe les chocs et assure un glissement fluide des surfaces articulaires. Il s’amincit et n’assure plus son rôle lors de dégénérescence arthrosique.


L’articulation arthrosique, un bon baromètre?

Nos anciens nous annoncent souvent l’arrivée du mauvais temps avec le réveil de leurs douleurs articulaires.

En fait, plus que le froid ou l’humidité, c’est la baisse de la pression atmosphérique, précédant l’arrivée du mauvais temps, qui provoque un gonflement des articulations et les douleurs qui s’ensuivent.


Hanche dysplasique  =  

Laxité articulaire 

+ conformation anormale des structures osseuses (anomalies pré-existantes et lésions résultant du remodelage induit par la laxité)

+ dégénérescence arthrosique



Les symptômes de la dysplasie de la hanche chez le chien en croissance

Nana et Waho en 2005


Chez le chiot en croissance, le premier symptôme observé est généralement une réticence à l’exercice. Il hésite à se déplacer, s’assoit ou se couche à la moindre occasion et n’est pas capable de marcher longtemps. Il refuse de courir ou de sauter, et il faut parfois le porter. À ce stade, aucune douleur évidente n’est mise en évidence, et ces signes semblent plutôt liés à l’inconfort causé par l’instabilité de la hanche.

Une erreur de diagnostic par excès est alors possible, notamment chez certains chiots de grande race au tempérament lymphatique.

Progressivement, des douleurs peuvent apparaître, provoquées par l’étirement de la capsule articulaire et des muscles adducteurs, ainsi que par les microfractures du rebord dorsal de l’acétabulum, qui est encore en cours de calcification. Ces douleurs peuvent entraîner une boiterie, parfois marquée, d’un ou des deux postérieurs. Le chiot adopte alors des allures compensatoires, privilégiant la marche, et, s’il est contraint d’accélérer, un galop en sauts de lapin (appui simultané des deux postérieurs).

Souvent, après l’âge d’un an, une amélioration passagère est observée. Cette amélioration s’explique par la diminution progressive de la laxité articulaire, liée à la fibrose de la capsule articulaire. Toutefois, la durée de cette phase de confort relatif varie selon les individus.

Après quelques années, la dégradation articulaire progressive due au développement de l’arthrose entraîne l’apparition de douleurs chroniques et permanentes, marquant l’évolution irréversible de la maladie.


Valse avec Nana


Trois tours de valse ...

Mon regretté ami vétérinaire Jacques Millemann, par ailleurs juge cynologique international réputé et fin connaisseur des chiens de grande race, me relatait un test qu’il n’hésitait pas à réaliser lors de l’examen d’un chien en exposition: “Un bon test consiste à danser la valse avec votre chien; s’il arrive à mettre les antérieurs sur vos épaules et à faire trois tours de valse, il n’est probablement pas dysplasique!”


Les symptômes chez le chien adulte

Il n’y a plus de laxité articulaire; au contraire, le remodelage articulaire et la fibrose de la capsule articulaire entraînent progressivement une ankylose, réduisant l’amplitude des mouvements.

Les remaniements arthrosiques, qui s’installent au fil des années, provoquent des douleurs chroniques, pouvant évoluer par crises ou être constamment présentes.

Les signes cliniques incluent des difficultés croissantes à se lever, à sauter dans une voiture, à monter les escaliers, à effectuer de longues marches ou à courir. Une boiterie d’un ou des deux postérieurs est fréquemment observée.

Vu de dos, l’arrière-train du chien a une forme de X, avec des hanches proéminentes (grands trochanters saillants), des cuisses démusclées, des grassets rapprochés l’un contre l’autre.


Les pièges de la symptomatologie

Les signes cliniques de la dysplasie de la hanche peuvent varier considérablement d’un chien à l’autre et évoluer au fil du temps.

Un chien présentant une dysplasie sévère peut ne jamais manifester de symptômes, tandis qu’un chien avec une dysplasie légère peut développer une boiterie après quelques années, en raison de l’évolution arthrosique. L’expression clinique de la maladie dépend de multiples facteurs, notamment la tolérance individuelle à la douleur, le mode de vie et l’intensité des sollicitations articulaires.



Le diagnostic de la dysplasie coxo-fémorale


Le diagnostic et le pronostic de la dysplasie coxo-fémorale (DCF) sont des étapes essentielles à évaluer avant toute proposition de traitement, mais ils recèlent de nombreux pièges. Une démarche diagnostique rigoureuse est donc indispensable, reposant sur :

1. Un recueil soigné de l’anamnèse

Le questionnaire au propriétaire permet de recueillir des informations précieuses sur l’historique de l’affection et l’évolution des symptômes dans le temps, à travers ses propres observations.

2. Un examen clinique complet

Il comprend :

• L’examen des allures (marche, trot, galop), qui fournit des indications précises sur la localisation de la boiterie. Un œil expert doit savoir différencier une douleur provenant de la hanche, du grasset ou du tarse, car chacune entraîne une boiterie caractéristique. Cette distinction est cruciale lorsque plusieurs pathologies coexistent.

• L’examen orthopédique, qui inclut :

• La palpation minutieuse de chaque partie du membre, y compris les os longs (diaphyse du fémur et du tibia) pour détecter d’éventuelles douleurs de panostéite.

• La manipulation des articulations (doigts, tarses, grassets et hanches), avec la recherche de signes d’instabilité :

• Tarse : évaluation de la laxité ligamentaire générale du chien.

• Grasset : recherche d’une instabilité rotulienne ou d’un signe du tiroir, indiquant une rupture du ligament croisé antérieur.

• Hanche : recherche du signe d’Ortolani, indicatif d’une laxité articulaire excessive.

3. Un examen radiographique complet

Une bonne maîtrise des techniques radiographiques est essentielle pour éviter les erreurs diagnostiques liées à des clichés mal positionnés. Une analyse rigoureuse des images est indispensable pour confirmer le diagnostic et établir un pronostic fiable.


Sam, Nana et Waho


Lequel est dysplasique?

Il y a quelques années, une éleveuse de Leonberg m’amenait deux chiennes pour une radiographie de dépistage de DCF. D’emblée elle me prévenait:

“Je suis sûre que celle-ci est dysplasique: elle marche mal, comme un grand échalas déguigandé, alors que l’autre a probablement de bonnes hanches, car elle a de très belles allures aériennes qui la propulsent toujours sur le haut du podium dans les expositions.”

Effectivement, son pronostic était bon... mais pas dans le bon ordre!

Celle qui marchait mal ne présentait aucun signe de dysplasie (stade A); ses vilaines allures résultait d’une mauvaise construction, avec des jarrets droits et panards.

Celle qui avait de magnifiques allures présentait une dysplasie moyenne (stade D) avec une arthrose bien visible. Sa dysplasie ne lui donnait aucun handicap, et ses belles allures résultaient d’une construction parfaite: ligne de dos tendue, très bonnes angulations arrières (fémur par rapport au bassin, grasset et jarret bien angulés), aucun signe de panardise avec des jarrets bien écartés l’un de l’autre en statique et aux allures, donnant un chien campé sur de solides appuis.


Diagnostic = anamnèse + examen des allures + examen orthopédique + examen radiographique


Lorsqu’un chien présente plusieurs affections simultanées, y compris des anomalies de construction, il est essentiel de hiérarchiser les problèmes par ordre décroissant d’importance. Cette approche permet :

• d’évaluer le pronostic avec plus de précision,

• d’optimiser le choix du traitement, en ciblant en priorité les affections les plus impactantes,

• d’éviter des interventions inutiles sur des anomalies secondaires qui n’affecteraient pas significativement la qualité de vie du chien.

Une analyse rigoureuse de chaque anomalie, en tenant compte de son impact fonctionnel, de son évolution probable et des possibilités thérapeutiques, est donc indispensable pour une prise en charge adaptée.


Anamnèse: quelques questions utiles


Les données recueillies lors de l’anamnèse sont essentielles pour orienter le diagnostic, estimer le pronostic et définir un plan thérapeutique adapté. Toutefois, il est crucial de garder à l’esprit qu’aucun symptôme n’est pathognomonique de la dysplasie de la hanche. Le doute est sans doute la plus grande qualité d’un clinicien, tandis que la précipitation, les certitudes et les a priori en sont les pires ennemis.

Avant d’entamer l’examen clinique, il est pertinent de poser plusieurs questions :

• Comment le chien se lève-t-il, se couche-t-il, saute-t-il, court-il ?

• Quelle est sa tolérance à l’exercice ?

• Quand et comment les symptômes sont-ils apparus ?

• Comment évoluent-ils dans le temps ?

• Boite-t-il au lever ?

• La gêne s’améliore-t-elle ou, au contraire, s’aggrave-t-elle après l’exercice ?

Ces éléments permettront d’affiner l’évaluation clinique et d’orienter les examens complémentaires nécessaires.



L’examen des allures


Un chien bien construit et exempt de pathologie présente des allures fluides et équilibrées :

• Au trot : les postérieurs assurent une poussée efficace, les foulées sont amples, et les pattes restent parallèles et bien espacées.

• Au galop : les pieds touchent successivement le sol avec une base large et stable.


Lors de l’examen des allures, plusieurs éléments doivent être pris en compte :

• La construction du chien :

• Des mauvais aplombs,

• Des angulations insuffisantes,

• Une ligne de dos ensellée ou plongeant vers l’avant

peuvent altérer la fluidité et l’efficacité des allures.

• Le format du chien :

. Un chien lourd et lymphatique aura une démarche plus pataude et moins dynamique.

. À l’inverse, un chien léger, sec et sportif se déplacera avec plus d’aisance et de réactivité.


Une évaluation attentive des allures permet de détecter d’éventuelles anomalies locomotrices et de mieux comprendre l’impact de la conformation sur le déplacement du chien.


Les pièges de l’examen des allures


Il est important de garder à l’esprit qu’un chien dysplasique peut présenter de belles allures.

• La majorité des chiens dysplasiques ne boitent pas et se déplacent normalement.

• De nombreux chiens classés stade D voire E peuvent ne manifester aucun des symptômes décrits  ci-dessous.

• À l’inverse, certains chiens avec une démarche anormale ont des hanches parfaitement indemnes de dysplasie.


Pourquoi la lutte contre la dysplasie reste indispensable ?

Bien que tous les chiens atteints ne développent pas de symptômes, la dysplasie coxo-fémorale (DCF) peut être, dans certains cas :

• invalidante et douloureuse, notamment pendant la croissance,

• provoquer des troubles locomoteurs après quelques années, en raison du développement de l’arthrose.


Autres facteurs influençant les allures

• Certains chiots de grande race au tempérament lymphatique peuvent avoir une démarche chaloupée en pleine croissance, sans lien avec une dysplasie.

• Des défauts de conformation de l’arrière-main (manque d’angulation, jarrets serrés) peuvent mimer certains signes cliniques de la DCF, alors que les hanches sont saines.


L’examen des allures, bien qu’indispensable, ne doit donc jamais être le seul critère d’évaluation : un examen orthopédique et des radiographies restent nécessaires pour poser un diagnostic fiable. Transfert du poids sur l’avant-main. 


Allures d’un chien atteint de dysplasie sévère et invalidante


Un chien présentant une dysplasie sévère et invalidante adopte une démarche caractéristique, marquée par plusieurs anomalies locomotrices :

1. Démarche chaloupée

• Vu de dos :

• Balancement de l’arrière-train,

• Rotation et abduction des postérieurs,

• Apparence de hanches larges,

• Grassets rapprochés,

• Pieds convergents.

2. Absence de poussée efficace

• L’arrière-train est faible, la foulée des postérieurs est réduite, limitant la propulsion.

• Une boiterie est plus perceptible lorsque la dysplasie n’affecte qu’une seule hanche.

3. Comportement locomoteur spécifique

• En marche, le chien cherche à s’asseoir rapidement pour soulager l’inconfort.

• Au trot, il préfère spontanément passer au galop, parfois désuni, avec un trot sur les antérieurs et un galop sur les postérieurs.

• Il adopte fréquemment un galop en sauts de lapin : appui simultané des deux postérieurs.

• Base étroite (membres serrés sous le corps).

4. Hyper-extension du jarret

• En statique, le chien présente souvent une hyper-extension du jarret, compensant le manque de stabilité de la hanche.

• Lors de la propulsion, cette hyper-extension devient plus marquée, affectant encore plus l’efficacité du déplacement.

⚠️ Ces signes traduisent une atteinte avancée, avec un impact fonctionnel important. Ils nécessitent une prise en charge adaptée pour limiter la douleur et préserver autant que possible la mobilité du chien.


Nana en 2005


Analyse d’une boiterie

La boiterie est la conséquence d’une diminution de l’appui d’un membre par le chien, qui cherche ainsi à soulager un inconfort ou une douleur.

L’observation attentive du déplacement et de la façon dont le chien pose et utilise son membre atteint permet de localiser la zone douloureuse.


Principes généraux

• Plus la douleur est distale (proche de l’extrémité du membre), plus le chien évite d’appuyer sur son pied.

• En cas de boiterie unilatérale sévère, le chien peut même garder le membre en l’air, sans contact avec le sol.

• Si la douleur est proximale (hanche, grasset), le chien appuiera davantage, mais réduira la poussée et modifiera son allure.

Analyse du mouvement selon la localisation de la douleur

• Douleur au niveau des doigts, du métatarse/métacarpe → le chien évite de poser complètement son pied et tente de marcher en appui réduit.

• Douleur au niveau du carpe ou du tarse → pose du pied en flexion, évitement des mouvements latéraux.

• Douleur au grasset ou au coude → le chien modifie l’orientation du membre pour limiter la flexion/extension.

• Douleur à la hanche ou à l’épaule → diminution de la foulée et réduction de la poussée, entraînant une boiterie plus subtile, parfois uniquement visible au trot.

L’examen des allures, associé à une palpation minutieuse, permet donc de mieux localiser l’origine de la boiterie et d’orienter les investigations complémentaires.



L’examen orthopédique


L’examen orthopédique doit toujours être précédé d’un examen clinique général et d’une évaluation orthopédique des autres membres.

➡️ Pourquoi ?

• De nombreuses affections générales peuvent se manifester par une boiterie localisée, sans lien direct avec une pathologie articulaire.

• Exemples :

. Panostéite : fréquente chez le chiot en croissance, provoque des douleurs au niveau de la diaphyse des os longs.

. Troubles de la coagulation (rares mais insidieux) : un saignement intra-articulaire peut être à l’origine d’une boiterie inexpliquée.

Avant d’examiner spécifiquement la hanche, il est essentiel d’évaluer l’ensemble du membre. Plusieurs pathologies concomitantes peuvent coexister chez un même chien, et seule une analyse rigoureuse permet d’identifier la cause principale de l’inconfort et de prioriser le traitement.


1. Chez le chiot en croissance, rechercher :

• Ostéochondrose : épaule, coude, grasset, tarse.

• Luxation de la rotule.

• Dégénérescence des ligaments croisés due à une mauvaise inclinaison du plateau tibial.

• Panostéite (douleurs osseuses diffuses).

• Défauts d’aplombs graves, liés à une croissance dysharmonieuse et/ou une laxité ligamentaire excessive.


2. Chez l’adulte, rechercher :

• Rupture du ligament croisé crânial.

• Myélopathie compressive ou dégénérative.

• Tumeur osseuse.


➡️ Conclusion : Un examen orthopédique détaillé est indispensable pour identifier la véritable origine de la boiterie et éviter un diagnostic erroné par excès ou par défaut.



L’importance d’une démarche diagnostique complète et rigoureuse

Une évaluation attentive et minutieuse est essentielle lors d’une consultation pour boiterie. Un diagnostic hâtif ou incomplet peut entraîner une prise en charge inadaptée et un mauvais pronostic.

Cas clinique : Une erreur d’orientation diagnostique

Ils y a une quinzaine d'années, j’ai rencontré le cas d’une chienne Bouvier Bernois de 12 mois, présentant une boiterie du postérieur gauche depuis 3 mois.

➡️ Premiers diagnostics successifs :

1. Dysplasie de la hanche

2. Arthrite du grasset

➡️ Examen orthopédique et radiographique :

• Confirmation d’une dysplasie modérée des deux hanches.

• Détection d’une mauvaise inclinaison du plateau tibial, entraînant une instabilité modérée des deux grassets (facteur de risque de rupture des ligaments croisés antérieurs).

➡️ Diagnostic final après un examen approfondi :

L’origine réelle de la boiterie était une entorse du tarse gauche, associée à :

• Avulsion osseuse au niveau de l’insertion d’un ligament collatéral du tarse.

• Formation d’ostéophytes, aggravant la douleur et l’instabilité articulaire.

Ce diagnostic a complètement modifié le pronostic et le traitement, soulignant ainsi l’importance d’un examen détaillé de l’ensemble du membre et de ne pas s’arrêter à un diagnostic précoce basé uniquement sur des facteurs prédisposants.

⚠️ Conclusion : Un chien peut être dysplasique sans que ce soit la cause de la boiterie. Une approche exhaustive reste indispensable pour une prise en charge correcte.


L’examen orthopédique de la hanche


L’examen orthopédique de la hanche permet d’évaluer les conséquences fonctionnelles de la dysplasie et d’identifier les signes associés à l’évolution de la maladie.


1. Amyotrophie musculaire

Un chien dysplasique présente une amyotrophie plus ou moins marquée des muscles de la croupe et de la cuisse, qui peut être :

• Symétrique, si la dysplasie est bilatérale.

• Asymétrique, si la dysplasie est unilatérale.

Cette atrophie musculaire est particulièrement marquée lorsque :

• La boiterie est ancienne et chronique.

• La douleur est importante, réduisant l’usage du membre atteint.


2. Réactions douloureuses lors des manipulations

L’extension, l’abduction et la rotation de la hanche provoquent des réactions d’inconfort ou de douleur chez le chien dysplasique, permettant de confirmer une atteinte articulaire.


3. Recherche du signe d’Ortolani chez le jeune chien (<1 an)

• Indispensable pour mettre en évidence la laxité passive de la hanche.

• Parfois réalisé sous anesthésie, pour éviter les contractions musculaires qui pourraient masquer le ressaut.


4. Détection de la laxité dynamique chez le chiot

• Dans les cas de dysplasie sévère, la laxité dynamique peut être perceptible.

• En plaçant la main sur la hanche, on peut sentir un “cloc” lors de la mise en charge du membre, traduisant une subluxation.


5. Recherche des signes d’arthrose chez l’adulte

Lorsque la dysplasie évolue vers l’arthrose, on peut percevoir :

• Des crépitements, indiquant des remaniements du cartilage articulaire.

• Une friction, témoignant de l’érosion du cartilage, signe d’un processus dégénératif avancé.


➡️ L’examen orthopédique de la hanche est donc un élément clé du diagnostic, permettant d’évaluer à la fois la laxité articulaire chez le jeune et les signes de dégradation articulaire chez l’adulte.



L’examen radiographique : une étape finale du diagnostic


L’examen radiographique ne doit être réalisé qu’après une évaluation clinique approfondie.

Avant de procéder aux radiographies, il est indispensable d’effectuer :


1. Un recueil détaillé de l’anamnèse

• Identification des symptômes et de leur évolution dans le temps.

• Facteurs aggravants ou améliorants rapportés par le propriétaire.

2. L’examen des allures

• Analyse des mouvements et des compensations locomotrices.

• Détection des anomalies spécifiques aux différentes localisations de la douleur.

3. Un examen clinique général

• Recherche d’affections systémiques ou métaboliques pouvant se manifester par une boiterie.

4. Un examen orthopédique complet

• Détermination précise de la cause de la boiterie.

• Identification des structures à examiner par imagerie.


➡️ L’objectif est de cibler précisément les zones à radiographier, afin d’éviter les examens inutiles et d’optimiser l’interprétation des images.


Qui devinera la race de ce chien? Indice: ma table de radiologie fait 2,10 mètres de longueur!

L’utilisation d’un carcan réglable en largeur, dans lequel on place le dos du chien, permet de placer plus facilement le chien dans une position parfaitement symétrique.